Retrouver un travail encore plus intense après un burnout c'est possible.
Comment passer d'un burnout, à 5 ans dans une boîte en hyper croissance, tout en se respectant.
J’aime beaucoup l’histoire de Sarah (interviewée et entreprise anonymisées), car elle est porteuse d’espoir. Celui de retrouver un haut niveau d’énergie après l’avoir perdu.
Diplômée d’une des écoles de commerce les plus prestigieuses de France, elle gravit rapidement les échelons jusqu’au poste de CMO dans une startup en pleine expansion. En seulement deux ans, elle joue un rôle clé dans la croissance de l’entreprise, contribuant à faire passer l’équipe de 30 à 70 personnes.
Mais cette ascension fulgurante a un coût : elle traverse un burn-out.
Pendant six mois, elle se reconstruit en réalisant des missions en freelance, avant de rejoindre une nouvelle entreprise en pleine croissance. Elle y évoluera pendant cinq ans, tout en fondant une famille.
Aujourd’hui, Sarah a choisi de redevenir freelance, poursuivant son chemin avec une nouvelle perspective.
La croissance a un prix
L'entreprise est en phase de série A, avec des attentes élevées en matière de revenus et d’acquisition. La croissance repose en grande partie sur Sarah et son équipe marketing, qui passe de 4 à 10 personnes en 1 an et demi.
L’entreprise triple son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente, mais ce n’est pas encore suffisant pour atteindre les objectifs fixés. Pire encore, un concurrent débarque et fait mieux en termes de croissance. Très vite, la pression se resserre sur Sarah et son équipe, dont les résultats sont jugés insuffisants.
Chaque mois, des objectifs très (trop) ambitieux sont imposés, créant une tension permanente. Au bout d’un an, le dirigeant commence à challenger Sarah de manière plus agressive. Son manager, d’abord bienveillant au quotidien, se met à douter ouvertement d’elle et de ses capacités, allant jusqu’à l’attaquer publiquement lorsqu’il est question des chiffres.
Déterminée à prouver sa valeur, Sarah travaille encore plus. Dans le même temps, elle doit gérer une épreuve difficile : licencier deux membres de son équipe qui ne performent pas assez. C’est une première pour elle, et cela l’affecte profondément dans son rôle de manager.
L’environnement devient étouffant. Chaque jour est une épreuve. Jusqu’à ce qu’elle en arrive à penser :
"Le matin, j’allais au travail en vélo et parfois, à vouloir qu’on me renverse pour aller à l’hôpital. Je voulais juste que ça s’arrête."
C’est le piège classique des startups : gagner un match ne suffit pas, il faut l’emporter avec 10 points d’écart.
Avec des attentes irréalistes, un manque de soutien, des doutes exprimés sans filtre par son manager et une charge émotionnelle écrasante, l’issue semble inévitable : le burn-out.
Le burnout ce n’est pas une réaction à un évènement isolé mais à un cumul d’agressions systématiques dans le temps. Des études démontrent les méfaits du stress chronique.
Compenser pour mieux sombrer
Au début, Sarah a tenté de compenser en travaillant davantage, en prenant sur elle pour protéger son équipe et en cherchant des solutions seule. Mais cette stratégie l’a progressivement épuisée, à la fois émotionnellement et physiquement.
"Travailler deux heures de plus par jour, au final, ça ne change rien. Tu t'épuises, tu ne penses qu'à ça. J’ai commencé à mal dormir alors que d’habitude, je dors très bien. Je pensais constamment au travail, au point de devoir prendre de la mélatonine et d’autres médicaments."
Elle n’a pas immédiatement pris conscience de son état. Pour elle, il s’agissait d’un défi à surmonter, d’un obstacle à franchir coûte que coûte.
"Je me suis acharnée, persuadée que ça finirait par passer. Je voyais ça comme une difficulté temporaire, pas comme un vrai problème. Mais à un moment, j’ai compris qu’il fallait appuyer sur pause. C’était devenu trop lourd, et je n’arrivais plus à remonter la pente seule."
Pour quelqu’un qui a toujours cherché à se dépasser, l’idée même d’abandonner était inconcevable.
"Abandonner, c’était un échec. Il fallait que je prouve ma valeur, que je redore mon blason."
Mais elle a fini par atteindre un point de rupture.
"Ce n’était pas une question de quelqu’un en face de moi qui me mettait la pression. C’était moi, mon propre état. Physiquement, mon cœur battait à toute vitesse, j’avais du mal à respirer. Mentalement, j’étais submergée. J’allais trop mal, mais je repoussais sans cesse la prise de conscience. Chaque lundi matin, je me disais : ‘Ça ira, t’inquiète, ça va le faire.’"
Les symptômes se sont accumulés : nuits agitées, stress constant, perte de vigilance, irritabilité…
"Je voulais garder le contrôle, ne rien laisser paraître au travail. Mais j’étais à bout. Je passais d’un sujet à l’autre sans recul, je voulais tout vérifier, tout maîtriser, tout checker sur Slack… Un vrai mode robotique."
Jusqu’à ce que son corps et son esprit lui imposent un stop.
L’arrivée des premiers signaux
Sarah a reçu plusieurs signaux d’alerte avant de reconnaître son burn-out.
Les premiers signes :
Pleurs fréquents : Pendant deux mois, elle pleure tous les soirs.
Surmenage : Elle travaille tard le soir et les week-ends pour atteindre les résultats ambitieux et protéger son équipe
Problèmes de sommeil : Son sommeil se dégrade, elle fait des crises d’angoisse la nuit et pense constamment au travail.
Progressivement, les symptômes s’intensifient. Elle devient plus impatiente, perd en vigilance et développe un besoin de tout contrôler. Une culpabilité écrasante s’installe, nourrie par l’impression de ne jamais en faire assez.
"Je pleurais tous les soirs auprès de mon mec en disant ‘ça ne va pas, je suis nulle’. J’étais prise dans une spirale infernale de doute."
Le point de rupture arrive lors d’un meeting avec son manager.
"J’ai explosé et je lui ai dit : ‘Écoute, soit je me mets en arrêt, soit on trouve une solution ensemble, parce que là, ça ne va plus du tout.’"
Comme beaucoup de personnes en burn-out, elle finira par obtenir une rupture conventionnelle pour se reconstruire à son rythme.
Retrouver l’équilibre après un burn-out
Quand Sarah a reconnu qu’elle traversait un burn-out, elle a dû apprendre à ralentir et à se reconstruire. La première étape a été de tout couper : un mois de vacances avec son conjoint, loin de la pression du travail.
Mais se reposer ne suffisait pas. Il fallait aussi trouver des moyens concrets de ne pas retomber dans les mêmes schémas.
Prendre du recul
Elle a décidé de moins se focaliser sur les chiffres et la performance pour se recentrer sur l’humain : les relations, le bien-être de son équipe et la valeur qu’elle voulait vraiment apporter.
Se faire accompagner
Un psychologue et plusieurs coachs l’ont aidée à comprendre les mécanismes qui l’avaient menée à l’épuisement et à reconstruire une approche plus équilibrée du travail.
Se reconnecter à soi autrement
Elle s’est lancée dans la couture, une activité totalement nouvelle pour elle.
"C’était amusant parce que je n’y connaissais rien. Justement, ça m’a aidée à me détacher du mental et à faire quelque chose de plus manuel. Ça m’a vraiment fait du bien."
Elle a aussi repris le sport et mis en place des rituels comme lire des affirmations positives sur elle chaque lundi matin (exercice travaillé avec sa coach).
Reprendre confiance, pas à pas
Ne plus avoir d’emploi aurait pu être angoissant, mais paradoxalement, cette période lui a permis de se reconstruire. Des amis lui ont proposé du coaching, des formations, quelques missions en freelance.
"En fait, en recevant des retours hyper positifs, j’ai réalisé que tout allait bien. Que moi, j’allais bien."
Elle a aussi accepté des missions en dessous de son niveau habituel pour avancer plus sereinement.
"C’était plus simple, presque automatique. J’étais dans ma zone de confort."
Une mission en particulier lui a fait voir les choses différemment. Travaillant dans un environnement bienveillant, elle a découvert une autre culture du management, loin de l’univers ultra-performant de la tech et de la finance.
"Franchement, les gens étaient adorables ! Après des années dans des boîtes où la pression était constante, ça a été un vrai choc."
Avec le recul, elle comprend aujourd’hui que ces expériences lui ont permis de redéfinir ses priorités et d’apprendre à mieux gérer la pression.
Pourquoi ce burn-out ?
En y réfléchissant, Sarah a identifié plusieurs schémas qui l’ont poussée à l’épuisement :
Un besoin de maîtrise : Elle avait toujours réussi en travaillant dur et en apprenant. Cela lui semblait être la seule clé du succès.
L’habitude d’être “la bonne élève” : Chercher les bonnes réponses, performer, exceller à tout prix.
Une capacité de travail élevée : Pour elle, il était normal de beaucoup travailler.
Un côté “people pleaser” : Faire plaisir aux autres, répondre aux attentes, quitte à s’oublier soi-même.
Son éducation et son environnement familial ont aussi joué un rôle, avec un modèle exigeant et une forte pression à la perfection.
"Déjà, dans ces milieux, on te met la barre haute. Mais en plus, moi, je la mettais encore plus haut."
Trouver un équilibre entre CDI et freelance
Avec le temps, Sarah a réalisé qu’elle se mettait plus de pression en CDI qu’en freelance.
"Je crois que quand c’est ton job à plein temps, tu te sens investi d’une mission, avec une obligation de résultat. En freelance, je me détache plus facilement."
Elle aime désormais alterner : quelques années en entreprise pour aller au bout d’un projet collectif, puis une phase en freelance pour explorer différentes industries et problématiques.
"C’est un modèle intéressant. À la fois plus enrichissant pour moi et pour les entreprises que j’accompagne."
Prévenir un nouveau burn-out
Sarah a appris plusieurs choses essentielles pour ne pas replonger :
Sortir de l’isolement : Aller parler à des personnes qui ont des problématiques similaires, échanger, prendre du recul.
Ne pas tout garder pour soi : Pendant longtemps, elle pensait devoir trouver seule les solutions
Relativiser l’échec : En marketing, par exemple, tout ne marche pas toujours. Il faut l’accepter.
Elle s’est aussi rappelé une leçon de ses années de prépa et de sport :
"À l’époque, je bossais beaucoup, mais j’avais aussi mes soupapes. Je m’entraînais avec des gens meilleurs que moi, j’avais un cadre. J’ai oublié ça en travaillant."
Enfin, elle a mis en place des petits rituels pour garder une bonne énergie :
Tous les lundis relire un manifesto qu’elle avait écrit : Un exercice marquant avec sa coach a été celui des figures inspirantes. Sarah devait identifier des personnalités qu’elle admirait et analyser pourquoi. Détermination, audace, créativité, résilience… sa coach lui a ensuite demandé de reformuler ces qualités à la première personne : “Je suis ambitieuse, je suis créative, je suis résiliente.” Ce texte est devenu un rituel du lundi matin, un rappel puissant de ses forces. Cet exercice lui a fait réaliser que les qualités qu’elle admirait chez les autres étaient déjà en elle.
Garder des captures écrans de tous les feedback positifs et les garder sous la main pour les moments de doute, car il n’y a pas beaucoup de renforcement positifs dans la tech.
Faire des exercices de respiration ou de cohérence cardiaque
Réduire le temps d’écran et éviter les réseaux sociaux avant de dormir
Maintenir une routine sport 3 fois par semaine et une alimentation saine
"On bosse dans des métiers où il n’y a pas mort d’homme. Tourner certaines situations à la dérision aide énormément."
Aujourd’hui, Sarah continue d’avancer, plus consciente de ses limites et de ce dont elle a réellement besoin pour être bien.
Comment as-tu réussi à tenir plus longtemps dans un environnement d’hyper-croissance ?
Sarah avait déjà vécu un burn-out, et cette expérience lui avait appris à mieux gérer son rapport au travail. Dès son arrivée dans une nouvelle entreprise, elle a mis en place des règles strictes : laisser son ordinateur au bureau le soir, couper totalement une fois la journée terminée, et mettre l’humain et l’écoute de son équipe au premier plan.
Mais un autre élément a profondément changé sa perspective : elle est tombée enceinte quelques mois après son embauche.
"Quand tu es enceinte, tu ne peux pas ignorer ton corps. Tu penses à ta santé et à celle de ton bébé avant tout. J’ai continué à beaucoup travailler, mais dès que je sentais que j’étais sur la crête, je me recentrais sur moi."
Devenir mère a transformé sa relation au travail. Cela lui a permis de relativiser, de mieux gérer son temps et de remettre ses priorités en perspective.
"Avoir une famille m’a aidée à voir ce qui était vraiment important dans ma vie et à sortir de cette logique où seul le travail comptait."
Elle a aussi bénéficié d’un coaching au sein de l’entreprise, ce qui l’a aidée à adopter une approche plus tournée vers le processus et les interactions humaines, plutôt que la course aux résultats.
"Si tu ne vois la réussite qu’en fonction des chiffres, tu es condamné à une insatisfaction permanente. Il faut apprendre à apprécier le chemin, pas seulement la destination."
Avec le recul, elle a compris que travailler plus ne signifie pas forcément mieux travailler.
Les dérives du modèle start-up
En évoluant dans l’écosystème tech, Sarah a observé un phénomène récurrent : une course effrénée à la croissance, alimentée par les levées de fonds et la pression des investisseurs.
"On est dans une boucle où on te fait croire que tu vas IPO dans 5 ans, que tu dois tout donner maintenant. Le problème, c’est que chaque levée impose des objectifs toujours plus ambitieux. Même si tu fais x10 cette année, on attend x20 l’année suivante."
Elle se souvient d’échanges surréalistes où des objectifs étaient gonflés artificiellement pour "booster" les équipes :
"On mettait des KPI absurdes, juste pour être sûrs de dépasser ceux du business plan. À un moment, je me suis dit : mais est-ce qu’on réalise ce qu’on est en train de faire ?"
Le problème, selon elle, c’est que ces attentes irréalistes créent une pression énorme sur les managers et les équipes, les enfermant dans un cercle vicieux où chaque succès devient la nouvelle norme à dépasser.
"Si tu dépasses tes objectifs, on ne se dit pas ‘bravo’, on se dit ‘ok, l’an prochain, il faut encore faire plus’. C’est une escalade sans fin."
Elle a fini par adopter une posture plus détachée, prenant du recul sur ces exigences démesurées et apprenant à fixer ses propres limites.
"À un moment, j’ai compris que l’important, c’est de savoir soi-même ce qui a du sens, plutôt que d’être constamment pris dans cette logique de surenchère."
Cette prise de conscience lui permet aujourd’hui d’aborder son travail avec plus de sérénité, sans se laisser happer par cette course aux chiffres qui, pour elle, n’a plus de sens.
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